Paroles de Recruteur
" Il faut investir dans la formation pour faire face à la pénurie "
Fort de 4 900 collaborateurs permanents répartis dans ses 1 130 agences, Manpower France se définit aujourd'hui comme un " Créateur de Solutions pour l'Emploi ". Intérim mais aussi CDD, CDI, placement de demandeurs d'emploi, formation et accompagnement, les missions de Manpower se sont élargies. Olivier Rebeyrolle, responsable Développement Construction et Compétences pour l'Ile-de-France, nous livre sa vision du marché de la construction.
Quels profils sont les plus prisés par les entreprises ?
Tous les métiers du BTP recrutent. La pénurie est généralisée et le manque de main d'oeuvre criant. Les coffreurs et les maçons sont très recherchés, de même que les chefs de chantiers sur le terrain ou les ingénieurs pour les bureaux d'études. Sans compter que les nouvelles mesures annoncées lors du Grenelle de l'Environnement, destinées à faire chuter la consommation énergétique des bâtiments, pourraient permettre la création de près de 200 000 emplois supplémentaires.
De manière générale, plus le niveau de compétences demandé est élevé, plus les candidats sont difficiles à trouver. Les technico-commerciaux et les chargés d'affaires, par exemple, sont recherchés pour leurs compétences techniques, leur expérience du terrain est un plus incontestable. Ce sont des profils rares, difficiles à dénicher.
Quelle stratégie adoptez-vous pour pallier ce manque ?
Au-delà de la prise en charge des candidats qui viennent chercher une mission dans le BTP, notre rôle est aussi de détecter ceux qui pourraient être intéressés par les différents métiers du secteur mais qui ne sont pas formés. Entretiens, tests de compétence puis plan de formation... nous leur proposons un suivi et leur assurons ensuite un emploi. Ils peuvent être débutants ou en reconversion de carrière.
Vous investissez donc de plus en plus dans la formation...
Il va falloir créer les compétences pour répondre aux besoins des entreprises et des candidats qui souhaitent s'engager dans cette voie. Or cela passe par la formation. Nos clients voudraient des professionnels formés et opérationnels, mais aussi des jeunes, avec de l'expérience de surcroît... cela relève de l'utopie ! Par ailleurs, l'accès à la formation est l'un des avantages offerts aux intérimaires pour les fidéliser.
Quels autres moyens mettez-vous en oeuvre pour les fidéliser ?
Notre objectif est d'offrir aux candidats la possibilité d'évoluer ou d'intégrer un secteur. Un chargé de recrutement les suit donc tout au long de leur carrière. Auparavant, un salarié grandissait avec son entreprise, il commençait manoeuvre et finissait directeur de travaux. Aujourd'hui, ce n'est plus vrai. Nous leur permettons de rester mobiles tout en progressant dans la hiérarchie. Mais si le métier a changé, les salaires aussi. Les rémunérations augmentent de manière très significative et les salaires deviennent bien plus attractifs. Face à la pénurie, il n'y a pas de raison que cela cesse : c'est la loi de l'offre et de la demande.
L'Etat a t-il un rôle à jouer ?
Le gouvernement a annoncé le recrutement de 10 000 jeunes issus des quartiers défavorisés dans les entreprises de BTP. Notre filiale " Manpower Egalité des chances " fait déjà ce travail au quotidien. Elle a pour mission d'accompagner et de conduire vers un contrat de travail les chômeurs de longue durée et les personnes discriminées.
Quelle est votre politique à l'égard des femmes ?
Les mentalités évoluent mais très doucement. Nous devons lutter contre les tabous et les idées reçues. Nous avons encore des difficultés à trouver des entreprises qui acceptent d'embaucher des femmes, même si les grands groupes s'ouvrent petit à petit. Nous sommes actuellement en phase de recrutement pour une formation uniquement féminine sur les métiers de la grue, c'est une première. Nous voulons ainsi marquer les esprits de manière symbolique, car la formation technique sera bien sûr identique à celle des hommes. C'est un métier où la force n'intervient pas, les entreprises ne peuvent donc pas nous opposer l'argument du physique.
La possibilité de proposer des CDI pour les agences d'intérim concerne-t-elle la construction ?
Cela change la donne, c'est évident. En effet, si pour certains candidats l'intérim est un vrai choix de vie, un nombre croissant d'entre eux viennent maintenant nous voir pour trouver un CDI.
Côté recruteurs, la majorité de la demande concerne des postes d'ouvriers qualifiés en intérim. Cependant, ils font de plus en plus appel à nous pour le recrutement de cadres mais aussi de personnel ouvrier en CDD ou CDI.
Quelles sont vos perspectives pour l'avenir ?
Les mêmes que celles d'aujourd'hui, à savoir : activité en hausse, moyenne d'âge assez élevée, nombreux départs en retraite,... C'est certain, le défi des prochaines années restera le même : trouver des compétences. Nous devons réussir à attirer les jeunes. Les Fédérations Françaises (bâtiment et travaux publics) communiquent d'ailleurs de plus en plus pour redorer l'image du BTP, longtemps dévalorisée.